La valeur Travail et le S.T.O.*

(S.T.O. : Service du Travail Obligatoire, sous le régime de Vichy)

Une valeur mise en avant par les deux candidats arrivés en tête du premier tour de l'élection présidentielle française de 2007, qui entendent "réhabiliter le travail". Ce qui sous-entend que le travail serait dévalorisé.

Extraits des professions de foi des candidats au 1er tour de l'élection présidentielle de 2007 [passages soulignés par nous] : 

1. Candidat de l'UMP :

"Je veux d'abord être le Président de la valeur travail
[...] Nous ne créons plus assez de richesses. Cette situation ne peux plus durer. Je veux réhabiliter le travail. Le travail est la condition de la liberté et de la dignité. Tout doit être fait pour donner du travail à ceux qui n'en ont pas. Mais je veux rappeler aussi qu'il n'est pas acceptable que certains refusent de travailler(1), alors qu'ils le pourraient. [...] les titulaires d'un minimum social devront avoir une activité d'intérêt général. Je supprimerais les droits de donation et de succession pour que vous puissiez transmettre à vos enfants le fruit du travail de toute votre vie. Partager le travail n'a jamais permis de réduire le chômage [...]"

Le travail obligatoire donc. Mais cela ne semble pas devoir s'appliquer aux rentiers, de pères en fils. - Mais si voyons ! Gérer ses capitaux c'est un vrai travail.

Note (1) : une des caractéristiques de la propagande est le fait de construire par le discours des ennemis (ici : "ceux qui refusent de travailler", "les assistés") pour mieux assurer la cohésion de ses partisans (ici : "ceux qui se lèvent tôt")

2. Candidat du PS

"Je veux avec vous :
- Réhabiliter la valeur travail"

De quoi s'agit-il au juste ? On peut considérer que le travail est dévalorisé :

Or parler de "valeur travail" cela relève du registre moral. Par un tour de passe-passe idéologique la revendication d'être correctement rémunéré pour le travail fourni devient une valeur morale (Travail-Famille-Patrie : ça n'est pas nouveau).
Rappelons au passage que le 1er mai devient la "fête du travail" sous Vichy, alors qu'elle était avant la "journée internationale des travailleurs". Un bel exemple de récupération populiste qui perdure (que font les syndicats ?).

En fait, loin d'être dévalorisée la valeur travail régit, au moins depuis la révolution industrielle, la marche des sociétés industrialisées. Notre société est en effet organisée de façon a rendre le travail obligatoire pour la grande majorité de la population (ceux qui n'ont pas de capital). C'est ce qui permet l'accumulation de capital (le profit) entre les mains de quelques uns par le biais de l'exploitation de ceux qui travaillent.
Cela va si loin que l'on oblige même, sous couvert d'insertion, les prisonniers et les handicapés à travailler (faute de quoi ils ne bénéficient plus de remises de peine ou de leur indemnités de handicap). Ces travailleurs de seconde zone ne bénéficient pas des droits du travail et ne sont rémunérés que par un misérable pécule. Notons que les handicapés sont d'ailleurs pour la plupart des victimes d'accidents du travail. Voir sur la condition des handicapés notre résumé du film Bon pied, bon oeil et toute sa tête.

Cette valeur n'est mise en cause que de façon très marginale, et dernièrement par les Situationnistes ("Ne travaillez jamais !"), qui ont grandement contribué au mouvement de mai 1968.
Deux slogans de mai 68 : "Les gens qui travaillent s'ennuient quand ils ne travaillent pas. Les gens qui ne travaillent pas ne s'ennuient jamais."
                                        "Regarde ton travail : le néant et la torture y participent."

Bonnes nouvelles : la revue Mortibus consacre son numéro 4/5 (oct.2007) à la "Faim du travail".
et il existe un collectif Résistance au Travail Obligatoire.

Démocratie du travail et Révolution ludique

Le travail obligatoire est source de bien des souffrances et son organisation même empêche l’autonomisation des travailleurs.
Aujourd’hui plus de 90% du travail est consacré à la production de biens et services superflus. Le travail, rendu obligatoire soit par la précarité dans laquelle est volontairement maintenue une grande partie de la population, soit par la fuite en avant de la consommation ne remplit plus une fonction de production utile. Pour répondre aux besoins vitaux (par exemple alimentation, hygiène, santé, habillement et logement) moins de deux heures de travail par jour sont nécessaires compte tenu des progrès considérables de la productivité au cours des deux derniers siècles.

Le travail est maintenu obligatoire pour remplir une fonction de contrôle et d’occupation des populations : quand tu es au travail, le pouvoir sait où tu es et ce que tu fais (c.à.d. ce qu’il t’a donné à faire) et tes capacités sont investies dans ce travail et non, par exemple, à réfléchir à d’autres façons d’organiser la société. Lorsque épuisé par ta journée de travail tu n’as plus d’énergie pour être créatif il ne te reste plus qu’à t’affaler devant la télé ou à te "régénérer" dans des loisirs pré-formatés.

Par ailleurs le système d’accumulation des profits continue à fonctionner à plein régime en obligeant à produire toujours plus (la croissance…) de biens inutiles qu’il faut alors écouler : c’est là le rôle de la publicité et de la conquête (y compris par la guerre) de nouveaux marchés. Notre société marche sur la tête : la production y détermine la consommation au lieu que les besoins déterminent la production !

La démocratie du travail cela consiste à déterminer collectivement quelles activités sont vraiment vitales et à y investir volontairement son énergie créative. La démocratie du travail est incompatible avec toute forme de hiérarchie structurelle, elle ne reconnaît que les compétences. Travailler peut alors devenir un plaisir, une activité créative, un jeu. En effet le travail non dénaturé est fondamentalement une activité libidinale.
Pour avancer vers ce but il nous faut dès à présent sortir du système suicidaire qui nous entraîne. Ce système ne se maintient que parce que nous y collaborons, sans nous il s’écroulera de lui-même.

« On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste ». Créons avec nos voisins, nos collègues, des cercles de réflexion, des associations producteurs-consommateurs ; prenons en main la production de ce qui est vraiment utile. Réapproprions nous notre temps et utilisons-le pour trouver nous-mêmes des solutions rationnelles.
Abolir le travail obligatoire, le salariat, les métiers, les hiérarchies, les corporatismes est non seulement possible c’est aussi nécessaire face à la dégradation de l’environnement et de la démocratie.

Ce texte est aussi disponible sous forme de tract pour être imprimé et diffusé : tract Démocratie du travail

La fin du capitalisme

La fin du travail obligatoire est une perspective qui se rapproche. En effet le capitalisme atteind ses limites. La transition de la société industrielle vers la société de l'information amène une révolution économique et idéologique qui rendra la "valeur travail" totalement obsolète. Dès lors des solutions radicalement différentes de répartition des richesses, telles que l'allocation universelle, deviendront applicables et rendront possibles la démocratie du travail. Lire la suite dans la page consacrée aux solutions de la crise financière.

Et pour commencer par s’instruire :

1. Black, Bob, Travailler, moi ? Jamais ! L'abolition du travail (1985), L'Esprit frappeur, Paris, 1997. Texte disponible sur Internet.
Illustrant la citation de Friedrich Schiller : "L'animal travaille lorsque la privation est le ressort principal de son activité et il joue quand c'est la profusion de ses forces qui est ce ressort, quand sa vie, par sa surabondance stimule elle-même l'activité.", l'auteur montre que le travail est organisé pour développer le contrôle et l'obéissance des individus et qu'il se reproduit en tant qu'idéologie dans la famille. Il en appelle à une révolution ludique.
2. Lafargue, Paul, Le Droit à la paresse (1880). Texte disponible sur Internet.
3. Reich, Wilhelm, "Qu’est ce que la démocratie du travail". in La Psychologie de masse du fascisme (1942), chapitres X à XIII, Payot, Paris, 1972.
4. Dadoun, Roger, "La démocratie du travail". in Cent fleurs pour Wilhelm Reich (1975), chapitre 18, Payot, Paris.
5. Gébé, L’an 01 (1972), L’association, 2000.
6. Pour comprendre le rôle joué par les syndicats comme facteur d’intégration dans le système d’exploitation voir par exemple un texte sur le site cercledeparis.free.fr
7. Et aussi : Charles Fourier, William Morris, Kropotkine, Pataud et Pouget, Berckman, Murray Bookchin, Raoul Vaneigem, Schumacher, Ivan Illitch, Charles Péguy, Anton Pannekoek, Pelloutier, Cornelius Castoriadis...


Mouvement International pour une Ecologie Libidinale (M.I.E.L.) - ecologielibidinale.org - Dernière mise à jour le 23 février, 2018
copyleft paternité - non commercial - partage s/s conditions identiques, pour tous les textes de ce site (sauf mention contraire).