4 chansons inaudibles chantées par Jean Ferrat

13 Mars 2010 : Ferrat s'éteint... et renait : le peuple se souvient qu'il avait une voix. Sa poèsie politique trouve une résonnance particulière dans la situation sociale d'aujourd'hui.

Les médias rendent hommage à Jean Ferrat... Pourtant on n'y entendais plus guère ses chansons. Alors on vous aura repassé pendant quelques jours, quelques tubes pas trop génants pour nos politiciens : "La montagne", "C'est beau la vie", "La femme est l'avenir de l'homme", "Nuit et brouillard" voire "Ma France" ou "Potemkine".

Si les trois dernières, censurées en leur temps, peuvent désormais être diffusées - on ne veut y voir que des références à une histoire qui appartiendrait au passé - il en est bien d'autres qui ne passeront jamais(1) sur les médias dominants et qui donnent une toute autre idée de son oeuvre : car il leur a mis le nez dans leur caca aux laquais et censeurs médiatiques (Un air de liberté, Le Fantôme), aux chanteurs commerciaux (Pour être encore en haut de l'affiche, Quand on n'interdira plus mes chansons), aux anciens soixante-huitards enbourgeoisés (Les jeunes imbéciles), aux staliniens (Le Bilan), aux socialistes renegats (La Porte à droite, Bicentenaire), aux traders et aux boursicoteurs (Les petites filles modèles), aux capitalistes et aux consommateurs (Berceuse pour un petit loupiot), aux politiciens réactionnaires (Le Bruit des bottes), aux bourgeois (Pauvres petits c..., Les Tournesols), aux pudibons (Vipères lubriques), aux beaufs dans leur vie en plastique (Le singe)...(2)

(1) Seul Daniel Mermet dans son émission "Là-bas si j'y suis" en a passé quelques unes : réécouter ou télécharger l'hommage à Jean Ferrat (lien vers la-bas.org) diffusé le 15 mars 2010.
(2) Les paroles peuvent être lues, par exemple sur ce site (lien vers paroles.abazada.com).

En voici quelques unes parmi bien d'autres :

Le Bruit des bottes

Paroles : Guy Thomas

C'est partout le bruit des bottes
C'est partout l'ordre en kaki
En Espagne on vous garotte
On vous étripe au Chili
On a beau me dire qu'en France
On peut dormir à l'abri
Des Pinochet en puissance
Travaillent aussi du képi

Quand un Pinochet rapplique
C'est toujours en général
Pour sauver la République
Pour sauver l'Ordre moral
On sait comment ils opèrent
Pour transformer les esprits
Les citoyens bien pépères
En citoyens vert-de-gris

A coup d'interrogatoires
De carotte et de bâton
De plongeon dans la baignoire
De gégène et de tison
Il se peut qu'on vous disloque
Ou qu'on vous passe à tabac
Qu'on vous suicide en lousdoc
Au fond d'un commissariat

Il se peut qu'on me fusille
Pour avoir donné du feu
Pour avoir joué aux billes
Avec un petit hébreu
On va t'écraser punaise
Pour avoir donné du pain
Pour avoir donné du pèze
Au petit nord-africain

Il se pourrait qu'on m'accuse
Avec un petit gourdin
D'avoir étudié Marcuse
D'avoir été sartrien
Ils auront des électrodes
Ils diront tu veux du jus
Pour connaître la période
Où j'étais au P.S.U.

A moins qu'ils me ratatinent
Pour mon immoralité
Pour avoir baisé Delphine
Pour avoir été pédé
A moins qu'ils ne me condamnent
A mourir écartelé
Entre l'amour de Roxane
Et celui du beau Dédé

Il se peut qu'on me douillette
Pour que je veuille attester
Qu'en mil neuf cent soixante-sept
Je lisais l'Humanité
Il se peut qu'on me tourmente
Et qu'on me fasse avouer
Que dans les années soixante
J'étais à la C.G.T.

A moins qu'ils me guillotinent
Pour avoir osé chanter
Les marins du Potemkine
Et les camps de déportés
A moins qu'avec un hachoir
Ils me coupent les dix doigts
Pour m'apprendre la guitare
Comme ils ont fait à Jara

C'est partout le bruit des bottes
C'est partout l'ordre en kaki
En Espagne on vous garotte
On vous étripe au Chili
On a beau me dire qu'en France
On peut dormir à l'abri
Des Pinochet en puissance
Travaillent aussi du képi

Travaillent aussi du képi

Berceuse pour un petit loupiot

Paroles: Guy Thomas. Musique: Jean Ferrat

Mon marmouset, mon nouveau-né,
Tu mériterais qu'on te gronde
Tu brailles comme un forcené
T'as pas l'air content d'être au monde
T'as le minois tout chiffonné
Pourtant, tu devrais rire aux anges
Avec ton lange enfariné
Pour engraisser monsieur Morhange

Fais dodo, Colas mon petit frère
Fais dodo, mon petit loupiot

Si tu savais combien qu' c'est doux
De vivre et pis comment qu' c'est rose
Tu boirais ton biberon d'un coup
Pour engraisser monsieur Guigoz
Car si tu bois bien ton lolo
Si tu veux la mettre en sourdine
On te paiera bientôt des petits pots
Pour engraisser monsieur Blédine

Fais dodo, Colas mon petit frère
Fais dodo, mon petit loupiot

On fera ton éducation
Ç a m'étonnerait pas qu'on t'achète
Les mémoires du roi des cons
Pour engraisser monsieur Hachette
T'auras pas le phylloxéra
Grâce aux vaccins systématiques
Pour engraisser des scélérats
De l'industrie pharmaceutique

Fais dodo, Colas mon petit frère
Fais dodo, mon petit loupiot

T'auras plus tard ta limousine
Pour engraisser monsieur Peugeot
Alors t'achèteras d' la benzine
Pour engraisser monsieur Esso
T'auras ton coin de serpolet
On t'y permettra les culbutes
Avec ta tente et ton duvet
Pour engraisser monsieur La Hutte

Fais dodo, Colas mon petit frère
Fais dodo, mon petit loupiot

T'auras beau crier "Les fachos
Et les canons, c'est dégueulasse !"
Un jour, c'est pas du gibier d'eau
Qu'on te dira de prendre en chasse
Tu f'ras la guerre à ceux d'en face
Vous vous offrirez des pruneaux
Pour engraisser monsieur Douglas
Pour engraisser monsieur Dassault

Fais dodo, Colas mon petit frère
Fais dodo, mon petit loupiot

Un air de liberté

Paroles : Jean Ferrat

Les guerres du mensonge les guerres coloniales
C'est vous et vos pareils qui en êtes tuteurs
Quand vous les approuviez à longueur de journal
Votre plume signait trente années de malheur

La terre n'aime pas le sang ni les ordures
Agrippa d'Aubigné le disait en son temps
Votre cause déjà sentait la pourriture
Et c'est ce fumet-là que vous trouvez plaisant

Ah monsieur d'Ormesson
Vous osez déclarer
Qu'un air de liberté
Flottait sur Saïgon
Avant que cette ville s'appelle Ville Ho-Chi-Minh

Allongés sur les rails nous arrêtions les trains
Pour vous et vos pareils nous étions la vermine
Sur qui vos policiers pouvaient taper sans frein
Mais les rues résonnaient de paix en Indochine

Nous disions que la guerre était perdue d'avance
Et cent mille Français allaient mourir en vain
Contre un peuple luttant pour son indépendance
Oui vous avez un peu de ce sang sur les mains

Ah monsieur d'Ormesson
Vous osez déclarer
Qu'un air de liberté
Flottait sur Saïgon
Avant que cette ville s'appelle Ville Ho-Chi-Minh

Après trente ans de feu de souffrance et de larmes
Des millions d'hectares de terre défoliés
Un génocide vain perpétré au Viêt-Nam
Quand le canon se tait vous vous continuez

Mais regardez-vous donc un matin dans la glace
Patron du Figaro songez à Beaumarchais
Il saute de sa tombe en faisant la grimace
Les maîtres ont encore une âme de valet

Les jeunes imbéciles

Paroles : Jean Ferrat

Ils ont troqué leur col Mao
Contre un joli costume trois-pièces
Ils ont troqué leurs idéaux
Contre un petit attaché-case
Citoyens de Paris ma ville
La plage est loin sous les pavés
Vivez en paix dormez tranquilles
Le monde n'est plus à changer

Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Le poil au menton
Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Les voilà vieux cons

Ils ont troqué leur col Mao
Pour une tenue plus libérale
Le vieux slogan du père Guizot
Est devenu leur idéal
Nos soixante-huitards en colère
Reprennent un refrain peu banal
C'est enrichissez-vous mes frères
En guise d'Internationale

Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Le poil au menton
Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Les voilà vieux cons

Ils ont troqué leur col Mao
Et leur vieux look égalitaire
Pour un costume plus rigolo
C'est la chasuble humanitaire
Ils font la quête avec délice
Chez ceux qu'ont plus rien à donner
Et pour établir la justice
S'en remettent à la charité

Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Le poil au menton
Ce n'était alors que jeunes imbéciles
Les voilà vieux cons

Ils ont troqué leur col Mao
Pour des tenues plus officielles
Depuis qu'ils fréquentent à gogo
Les cabinets ministériels
Ah quel plaisir en redingote
Sur le perron de l'Elysée
De se faire lécher les bottes
Par des journalistes avisés

C'est toujours avec les jeunes imbéciles
Qu'on le veuille ou non
C'est toujours avec les jeunes imbéciles
Qu'on fait les vieux cons

 

Cette chanson est sur l'album "La femme est l'avenir de l'homme", Temey/Sony - (1975)

 

Cette chanson est sur l'album "La femme est l'avenir de l'homme", Temey/Sony - (1975)

 

Cette chanson est sur l'album "La femme est l'avenir de l'homme", Temey/Sony - (1975)

 

Cette chanson est sur l'album "Ferrat 91", Temey/Sony


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