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Mouvement International pour une Écologie Libidinale (M.I.E.L.)

Communiqué de presse du 27 juin 2010 : sixième édition de L'été sans épilation

 

L'épilation est-elle un phénomène culturel ?

L'épilation est-elle naturelle ?

Parmi les jeunes femmes que nous interrogeons sur leur pratique épilatoire, il s'en trouve pour nous dire qu'"il est naturel de s'épiler", que "le poil ce n'est pas la nature de la femme" ou même que "le poil est contre-nature" ou que "un corps épilé est totalement en harmonie avec la nature". Ceci peut paraître parfaitement absurde. Ces phrases ne font sens que si l'idée de nature renvoie, non pas à la nature biologique, mais à la nature version publicitaire. C'est-à-dire le naturel vu comme "manière d'être" ("personnalité"). Bref à l'idée de nature telle qu'elle est véhiculée dans l'idéologie individualiste.
Mais après tout, l'humain étant un être culturel, sa "nature" ne saurait se définir indépendamment de tout ancrage culturel. Et lorsque l'on remet en cause l'universalité de la pratique de l'épilation, c'est alors (paradoxalement ?) sa dimension culturelle qui est avancée par les femmes interrogées comme argument légitimant.

L'épilation est-elle culturelle ?

Or qu'est-ce que la culture ? C'est ce qui permet l'humanisation.
La culture naît de l'intersubjectivité, c'est à dire de l'interaction entre sujets, entre personnes. Ce partage permet la construction d'un système de significations communes. C'est la condition de l'émergence d'un imaginaire social, sans lequel aucun lien n'est possible.
A l'inverse, des croyances, des valeurs ou des comportements qui sont diffusés à partir d'une source et qui se répandent par l'imitation, ne constituent pas de la culture. Les media de masse, contrôlés par le grand capital, ne produisent pas de culture ; ils en détruisent plutôt, en divertissant et en véhiculant le mépris de la culture. "La culture est une résistance au divertissement" écrivait Pier Paolo Pasolini. Et l'histoire naît de la création permanente de culture.

La norme du glabre (il ne faut pas montrer de poil) est l'exemple d'un ensemble de croyances ("le poil c'est sale"), de valeurs ("le poil c'est laid") et de comportements (couper, arracher, ou au minimum cacher ses poils) qui s'est imposé, au fil des dernières décennies, à partir des images médiatiques répétées à l'infini. Les hommes et les femmes qui s'épilent et pensent le faire par "choix personnel", ne nous disent pas qu'être lisse c'est beau et propre, ils/elles disent que "c'est esthétique et hygiénique". Des mots qui n'appartiennent pas à la langue populaire mais au discours pseudo-scientifique des magazines.

L'épilation contemporaine n'est ni naturelle, ni culturelle ; elle est idéologique.

Dans le présent contexte d'une épilation généralisée (au moins en ce qui concerne les femmes pour l'instant), justifiée par une idéologie individualiste ("c'est mon choix personnel"), laquelle produit le plus grand conformisme (c'est le même "choix" pour presque toutes), conserver ses poils naturels, les assumer - c'est à dire ne pas les dissimuler - ne peut tenir que d'un acte de résistance. En effet, la femme qui conserve ses poils et ne les cache pas résiste à la pression sociale et à la normalisation médiatique. Et cela exige d'être capable de supporter la réprobation sociale. C'est un acte politique.
Cette résistance est permise par la rencontre entre les gens (on ne résiste pas longtemps seul). Elle naît et se propage dans les interactions de personnes capables de penser et d'agir par elles-mêmes (des sujets). "Créer, c'est résister. Résister, c'est créer." Appel du Conseil National de la Résistance. Résister ensemble - en l'occurrence à la norme de l'épilation -, c'est créer de la culture. C'est faire l'histoire, c'est construire l'humanité.

L'opposition entre nature et culture est factice. Le poil est à la fois naturel et culturel.

Face à l'idéal du corps-machine, inaltérable, lisse et aseptisé, que véhicule l'idéologie dominante dans ses magazines et sa pornographie, nous revendiquons notre humanité, c'est-à-dire tout à la fois notre nature biologique (nos poils, nos odeurs, nos rides...) et le sens que nous lui donnons. Car dans le contexte actuel, être poilu a du sens. Ce sens, que nous créons collectivement, construit la culture. Nous cultivons la nature.
Par un processus inverse l'épilation, en se présentant comme une évidence, naturalise (transforme un arbitraire social en nécessité naturelle). Et ce faisant elle détruit la culture et ne crée que de l'idéologie.

 

Nous publions sur notre site les témoignages déjà reçus et notre forum, ouvert à toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans cet appel, fêtera cet été son quatrième anniversaire : http://ecologielibidinale.les-forums.com

 

Vers l'été sans épilation


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